La centenaire ployait sous le poids des fagots. Mais elle était robuste, dure à la tâche, âpre au gain.
Sous la Lune je distinguais sa silhouette brisée, d'apparence si frêle.
Avec son bois sec sur le dos, ses doigts crochus, son corps osseux, elle me faisait songer à un arbre mort.
Une chouette séculaire en réalité.
Je lui adressai le bonsoir en la croisant à l'orée de la forêt. Promptement elle m'envoya au Diable en me menaçant avec son bâton, l'oeil méchant, un silex dans la voix : l'ancêtre avait un caractère de chat sauvage.
Depuis le temps que je la connaissais, j'avais toujours été séduit par cette sorcière qui vivait à l'écart du village. Solitaire et rebelle, intrépide et coriace, cette vagabonde de la nuit était un mystère.
Je la regardais souvent ramasser du bois, humble trésor de son foyer, et m'attardais ainsi jusque tard dans la nuit sur ce fantôme anguleux, sur cette ombre aux allures de fable.
Tantôt je la comparais à un épouvantail en route vers les paysages morts et silencieux de la Lune, tantôt je me la figurais hôte des clochers, chevaucheuse des vents ou spectre des cimetières. Je voyais en cette glaneuse de bois un être fabuleux.
Elle rentrait tard dans sa chaumière sans confort, rapportant ses pauvres fagots.
Peu après sa fenêtre s'éclairait au coeur de la nuit.
Avec sa maigre fortune sur le dos, son feu de misère, ses haillons d'un autre âge, la vieille me faisait rêver sous les étoiles.
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